La culpabilité de l’entrepreneur

Je veux te parler d’un syndrome qui m’a frappée en plein fouet. Je ne sais pas s’il existe ailleurs que chez moi, ni même s’il a un nom mais je l’ai appelé la culpabilité de l’entrepreneur parce que je trouve que ça résume très bien la situation. Si je ne suis pas seule, merci de me faire un coucou en commentaire, ça me rassurera (ou au moins, je saurai que je ne suis pas seule même si ça ne m’aidera pas vraiment, sauf si tu as la solution miracle ?)

Le déconfinement a été positif pour beaucoup et était même très attendu pour certains. Moi, il m’angoissait et j’ai eu raison de m’inquiéter… D’un coup, j’ai eu moins de temps pour travailler : j’ai revu les copains, la famille et ça m’a fait un bien fou, j’ai aussi fait du baby-sitting et j’ai été heureuse de revoir mes petites princesses. Mais ça m’a fait perdre un temps précieux de travail. J’ai dû passer de journées de seize heures de travail à des journées de huit ou dix heures.

Certains me diront que c’est bien, que j’ai enfin plus de temps pour moi, que je ne dois pas culpabiliser… Et je suis la première à essayer de m’en convaincre. Tellement, que j’ai pris une vraie pause : j’ai divisé par deux mon travail, presque arrêté les stories, très peu posté sur Instagram, été en retard pour tous les articles sur le blog (celui-ci aussi d’ailleurs)… Ça m’a fait du bien !

Je me suis dit qu’après plus de sept ans sans vacances, si je prenais une petite pause (pas une vraie non plus, mais disons que je n’ai travaillé que quelques heures par jour), ça ne me ferait que du bien. La réalité est toute autre : j’ai à la fois aimé le temps passé à bronzer, profiter de mes proches et me promener dans les parcs parce que je n’avais pas vu une fleur ni un brin d’herbe depuis deux mois (j’exagère à peine)… Mais le sentiment de culpabilité est revenu de plein fouet !

Tu vas me dire « culpabilité de quoi ? » Eh bien, tu veux la liste ? de ne pas avoir travaillé assez, de ne plus avoir d’avance ni sur le blog ni sur insta, de ne rien poster en story, de ne plus être aussi présente pour toi qu’avant, d’avoir perdu l’inspiration et de ne jamais savoir que raconter, qu’écrire, que poster, que partager, de me sentir vide parce que la pause m’a réellement vidée, d’avoir cette sensation que ça ne reviendra pas, d’avoir tant de mails de retard, de ne plus être aussi productive… Bref, la liste est longue et la culpabilité me ronge.

J’essaie de me rassurer en me disant que je ne dois pas être la seule, que quand on est entrepreneur, qu’on sait que le salaire ne tombe pas à la fin du mois et qu’il faut tout donner pour manger ou payer le loyer, on culpabilise sûrement plus de prendre une petite pause ? Il n’y a pas de congés payés, pas de droit au chômage, pas d’aide financière (même pendant la crise, parce que moi je ne suis pas éligible), pas d’arrêt maladie, rien. Quand tu as décidé de plaquer le salariat, tu es face à toi-même, ta motivation, ton inspiration et tu te débrouilles.

Ça n’a jamais été un problème pour moi, c’était plus mes proches qui me disaient sans cesse de prendre une pause, de calmer un peu le jeu… Je n’avais jamais essayé, là je l’ai fait. En réalité, c’était génial : je me suis reposée, j’ai profité, j’ai vraiment kiffé ces quelques jours… Mais j’ai l’impression qu’ils m’ont vidée finalement : je ne sais plus quoi faire, je n’ose plus vraiment revenir sur insta alors que j’ai la sensation d’avoir abandonné le navire, j’ai l’impression de ne plus avoir ma place, l’inspiration n’est clairement plus la même, parce que j’ai beaucoup trop vidé mon cerveau… Finalement, je crois que ce n’était pas une bonne idée.

Tu vas me dire « mais tu as profité, c’est le principal », mais si tu veux la vérité : oui, j’ai profité, mais la culpabilité qui me ronge derrière me pourrit tellement la vie que cette pause n’était même pas positive et m’a surtout fait beaucoup de mal (professionnellement mais surtout personnellement). J’ai essayé d’analyser mon propre ressenti pour le comprendre, et je ne sais pas trop.

Peut-être que c’est le fait que j’aime trop mon travail, qui fait que quand j’arrête un peu, ça me manque et je me sens vide ? Peut-être que c’est la relation que j’ai construite avec vous, qui fait que quand je n’ai plus de nouvelles pendant quelques jours (oui parce que si je ne poste pas, j’ai 20 messages insta par jour, à tout casser…), ça me fait me sentir seule et vide ? Peut-être que je mets trop de coeur dans ce que je fais et que toute ma vie tourne autour de ça ? Ou peut-être (en cherchant plus loin) que cette année 2020 qui s’annonce sans voyage à l’étranger pour la première fois me semble déprimante ? Peut-être que même si j’ai bien vécu le confinement, tous mes voyages annulés me rendent moins efficace ?

Je ne sais pas analyser tout ça, je ne sais pas vraiment non plus comment avancer avec : travailler moins et apprendre à dompter ma culpabilité ? essayer de retrouver mon rythme d’avant parce qu’il me rendait vraiment heureuse même si tout le monde me dit de lever le pied ? Honnêtement, je n’en ai aucune idée, mais je pense que je choisis la deuxième option.